Difficile de prendre la parole dans ces circonstances. Comme beaucoup je ne m’y attendais pas vraiment. La veille de la fermeture des commerces nous maquillions encore des clientes, le jour de la fermeture, nous assistions encore mes collègues et moi à des scènes hallucinantes alors que le confinement était sur toutes les bouches : telles clientes voulaient changer la couleur de leur fond de teint, l’une s’indignait que nous ne pouvions plus la maquiller, d’autres encore nous tripotaient les bras alors que nous tentions de garder les distances de sécurité. Nous avons été exposés. Heureusement aucun de mes collègues n’a manifesté de symptômes.
Cela fait quelques jours maintenant que je ne regarde plus les infos, je clique rarement sur les articles de presse qui nous assaillent. Mais les cris d’angoisse des soignants, des proches de malades je ne peux pas ne pas les lire. Je me sens si impuissante et je n’ai qu’à espérer qu’on les entendent rapidement. Je pense à eux, même si je sais que c’est loin d’être suffisant. Tous les soirs je suis à 20h devant ma fenêtre à applaudir, même si je sais que ce n’est pas suffisant, que ça ne réglera pas l’épuisement et le manque de matériel. Je reste chez moi. Je fais ma part. Et je le fais aussi pour moi, égoïstement. Je « souffre » d’un trouble anxieux depuis quelques mois déjà - sous contrôle- je suis hypersensible, trop empathique et hypocondriaque. Mais je vais globalement bien. Il est fort possible que j’ai eu le covid ces derniers jours d’ailleurs selon mon médecin, de manière bénigne heureusement. Seule dans mon studio, cela fait 15 jours que je n’ai vu personne mais je ne m’en plains pas, certains n’ont même pas de toit pour se confiner.
Mais j’avoue que les applaudissements je les prends pour moi aussi, j’ai besoin de ressentir ce seul lien social auquel j’ai accès, j’ai besoin de voir ce Monsieur en face au 2e étage actionner son klaxon, cette inconnue du dernier étage applaudir en face de moi. C’est mon rendez-vous de chaque soir et je ne le raterai pour rien au monde.